Yoann Bourgeois Art Company

Yoann Bourgeois Art Company

Yoann Bourgeois est un artiste internationalement reconnu qui s’attache depuis toujours à décloisonner les approches et les espaces artistiques.
Sa recherche singulière, s’incarne dans les dispositifs physiques amplifiant des phénomènes, qui lui permettent d’investir des espaces extraordinairement variés et de proposer des variations infinies. Cette constellation est une recherche de vie, un processus de création permanente qu’il nomme : « tentatives d’approche d’un point de suspension ».
Il crée sa compagnie en 2010, après avoir joué avec des chorégraphes de renom. Directeur du CCN2 de Grenoble de 2016 à 2022, il devient ainsi le premier artiste de cirque à diriger une institution nationale dédiée à l’art chorégraphique. 
Il poursuit aujourd’hui son développement artistique par des créations, des collaborations et des ateliers à travers le monde,
Engagé dans un art vivant, radicalement pluridisciplinaire et innovant, il envisage la création artistique autour d’un « art situé » : un art attentif à son environnement, à son énergie et ses spécificités.      

LES TENTATIVES D’APPROCHES D’UN POINT DE SUSPENSION
Un laboratoire d’écriture
C’est parce que je venais d’atteindre l’âge où l’on peut, sérieusement et quel que soit le cours des événements, anticiper les grands traits de notre vie à venir et parler de ses jours futurs avec cet air de passé, que je me mis à élaborer un programme. Cet âge n’était pas un seuil objectif, ni une réalité temporelle : cet âge était la conscience de quelque chose. Quel que soit le nombre de jours qu’il restait, et même selon les plus audacieux pronostics, ce serait trop court. 
Mon programme consistait à désamorcer le temps. Bien sûr, c’était impossible en soi. Mais il existait des méthodes d’approches. Ce serait simple et définitif. Une seule phrase suffirait pour dire cela : «Tentatives d’approches d’un point de suspension»
Quelque chose comme un désir d’œuvre donc, avec ses motifs (chaises, escaliers, sols…), ses variations et ses forces (la gravité, l’équilibre, l’inertie…). Avec cette persévérance pour approcher le présent qui échappe toujours. Et cette conviction qu’un travail prend toute sa consistance dans le temps. 
C’est donc d’un processus qu’il s’agit, partagé au long court par une équipe engagée. 

Numéro…
Ce format si spécifique, que l’on croyait tombé en désuétude, revendiqué par un cirque dit «traditionnel», délaissé par un cirque dit «nouveau», serait-il anachronique ? J’ai choisi de réinvestir cette forme, dont la singulière économie présente de nombreuses spécificités. 
Le numéro est la forme courte par excellence. On a souvent mentionné une durée qui avoisinerait 8 minutes, mais cela ne veut rien dire. Le numéro est un condensé. C’est la réduction maximale d’une forme qui atteint sa plus grande intensité. En cuisine, le principe de décoction pourrait lui ressembler. 
Il y a, au bout de ce processus de simplification d’usure par extraction, un rêve d’absolu : un numéro doit tenir debout tout seul. Sans l’échafaudage culturel, dans tous les contextes. Un numéro doit pouvoir durer. Malgré la vie qui passe sur les corps, et la vieillesse qui immanquablement vient, le numéro existera tout au long d’une vie. Un numéro réussi devra pouvoir jouer partout, tout le temps. 
Et pourtant, malgré cette exigence infinie, jamais un numéro ne prétendra au Sens, avec ce «S» majuscule. Il n’a pas cette arrogance-là. Car aucun numéro n’est souverain, pas même le numéro 1. Jamais un numéro n’oubliera la multiplicité des ensembles. Il ne dit rien d’autre que ce qu’il dit, sans nier les autres numéros qui viennent avant, après lui. Il a cette humilité. Le sens n’est qu’en lui et c’est par là, et par là seulement, qu’il rejoint l’universel. 

Programme du Moulin Jaune

Approche 1. Contrepoint 2 : 
C’est une danse avec 3 balles.
L’écriture d’un jonglage extrêmement simple et lisible donnant à voir de la musique : celle de Jean-Sébastien Bach et son second contrepoint de l’art de la fugue.
Dans cette danse minimale, tout se construit et se déconstruit sans cesse autour du point de suspension.

Approche 7. Wild is the wind : 
La force centrifuge éloigne les corps.
Le plateau sur lequel évoluent l’homme et la femme tourne très vite. Tourne trop vite. Ils s’accrochent pour résister à cette force-là, qui veut les éloigner.

Approche 9. Plateau en équilibre : 
L’équilibre est une relation où les forces en présence sont égales. Mais dans la réalité, les forces sont mobiles et rarement égales. 
Le plateau sur lequel évoluent l’homme et la femme est appuyé sur un point central. Il est d’une extrême sensibilité. Le moindre geste sur ce plateau a une incidence sur l’Autre. 
C’est donc une amplification métaphorique des jeux de forces qui s’exercent dans toute relation.

Approche 12. Music for a forgotten future : 
Après avoir expérimenté de nombreuses années dans l’eau avec Kitsou Dubois ou Jörg Müller, nous poursuivons nos recherches autour d’une figure fictive de la littérature tragique : Ophélie, ce personnage dont la mort interroge éternellement, se noie dans l’eau. Demi-fantôme, elle est l’image de la dissolution. 
La scène 7 de l’acte 4 décrite par Shakespeare dans Hamlet est une image d’un essor poétique extraordinaire. Dans une démarche délibérément inspirée par le déconstructionnisme et la ruine du sens dont témoigne Hamlet – l’œuvre majeure de Shakespeare – nous avons imaginé une machinerie composée d’un lit, d’un aquarium, d’une grue et de multiples liens qui interagissent en mettant en mouvement un corps inerte. 
Le dispositif, développé à l’occasion de cette 12ème approche, peut-être perçu comme une machine de rêves : un espace imaginaire.
 
Approche 17. Opening : 
L’approche 17 est une danse composée sur Opening de Philip Glass. 
Cette danse est une simplification de toute trajectoire existentielle – alternance de chutes et de suspensions – le long d’un escalier qui ne mène nulle part. Elle déjoue la chronologie temporelle en déclinant le motif de la réversibilité.
Sur une partition invisible, le personnage trompe le vide, joue avec les lois de la gravité et de l’apesanteur pour atteindre un état de liberté entre équilibre et déséquilibre.
C’est un poème visuel qui réinvente une marche vertigineuse et sensible vers le point de suspension, l’instant du présent absolu, quand l’envol d’un corps atteint son apogée et que la chute n’a pas encore commencé.    
 


X